Rencontre avec Pierre-Yves Cardinal, révélation du film “Simple comme Sylvain” - Mixte Magazine (2024)

Dans “Simple comme Sylvain”, réalisé par Monia Chokri, Pierre-Yves Cardinal interprète le fameux Sylvain, un entrepreneur tendre et bourru qui se retrouve au cœur du désir de Sofia, professeure de philosophie, interprétée par Magalie Lépine-Blondeau, endormie dans un couple où la sexualité s’éteint. Présenté à Cannes en mai dernier et nommé aux César 2024 pour le prix du meilleur film étranger, le troisième long-métrage de Monia Chokri (“La femme de mon frère”, “Babysitter”) permet au comédien québécois de se faire (re)connaître encore un peu plus du public européen dix ans après son rôle dans “Tom à la ferme” de Xavier Dolan et de bientôt se faire une place dans le cinéma français ? Profitant d’une série mode réalisée par le photographe Quentin Le Gallo, Mixte s’est entretenu avec l’acteur de 45 ans, dont la vision du cinéma, du métier d’acteur, de l’amour, du couple ou encore des clichés sexistes et du female gaze est simple, claire et pertinente.

Rencontre avec Pierre-Yves Cardinal, révélation du film “Simple comme Sylvain” - Mixte Magazine (1)

MIXTE. Vous avez travaillé avec Xavier Dolan et Monia Chokri, qui sont deux réalisateur·rice·s reconnus sur la scène internationale. Comment le cinéma québécois se distingue selon vous du cinéma français ou états-unien ?
Pierre-Yves Cardinal. Le fait qu’on ait peu de moyens fait en sorte qu’on doit reprendre les bases de ce qu’il fait un bon film : le scénario, le jeu, la lumière, la musique. On doit éviter les écueils de bouffeurs de revenus comme les poursuites automobiles. On doit s’aventurer ailleurs, trouver d’autres issues. Je ne dis pas qu’on n’a pas de film à grand déploiement mais on en a peu. Ce qui est sûr c’est qu’on doit souvent se débrouiller avec peu et souvent la contrainte budgétaire oblige à être carré. Les Québécois·e·s sont plus proches d’une certaine émotivité, moins proche de l’intellectualisme du cinéma français où les dialogues sont très riches. Les Français vont d’ailleurs s’intéresser au cinéma québécois pour cette candeur émotive.

M. N’y a-t-il pas une forme plus libre et plus drôle notamment dans l’écriture ?
P-Y. C. La culture est relativement jeune au Québec si on compare au Vieux Continent. On n’a pas toute la lignée de grand·e·s penseur·euse·s pour enrichir notre discours ce qui apporte une certaine forme de liberté. On ne sent pas le poids des années de tergiversation en haut de nous qui nous observe et qui des fois peuvent contraindre un créateur qui vient d’une nation où l’historique est très présent. Par contre, des fois j’envie les Français·e·s pour toute cette lignée de grand·e·s penseur·euse·s. Il y a aussi le fait que l’intellectualisme au Québec n’est pas très bien vu. Je trouve ça dommage. Mais je pense qu’il y a un décloisonnement par rapport à ça en ce moment et Monia y contribue. C’est une femme qui est très cultivée, qui ne s’en cache pas, qui l’affiche sans prétention.

M. Dans “Simple comme Sylvain”, vous incarnez un entrepreneur, issu d’un milieu social modeste qui tombe amoureux d’une professeure de philosophie issue d’un milieu intellectuel. En amour, peut-on vraiment faire fi des différences sociales ?
P-Y. C. C’est possible, les statistiques le démontrent même si elles démontrent aussi que c’est très rare de passer d’une classe sociale à une autre. Dans notre société, les classes ne sont pas définies de façon aussi claire qu’à l’époque mais en même temps elles existent de façon évidente même si elles sont difficiles à définir. Dans le film, je pense qu’il y a une certaine forme d’érotisme qui naît de cette exploration des univers de chacun. Mais sur le long terme, il y a peu de couples qui traversent les épreuves imposées par les différences de classe. C’est facile d’être bien quand on est à deux mais quand il s’agit de s’intégrer au milieu de l’autre, ça se complique. D’ailleurs, tout l’humour du film repose sur ce clash là. Comme le dit Monia Chokri, l’amour est avant tout un “pacte social”, c’est une union qu’on affiche et qu’on partage avec son entourage, ses amis, ses collègues…

M. Lors de la promotion de son film, Monia Chokri a évoqué la notion de “capitalisme du couple” en opposition à l’amour qui relèverait plutôt de l’anarchisme selon elle. Que pensez-vous de ce constat ?
P-Y. C. Je suis tout à fait d’accord avec elle. Le couple, le mariage, c’est une invention hyper matérialiste. Elle assure une forme de sécurité matérielle et garantit un tissu social solide. C’est une invention relativement récente sur l’échelle de l’évolution de l’humanité et je ne pense pas que l’humain ait été porté naturellement vers une monogamie formelle. Cela dit le couple tend à se réinventer, on cherche de nouvelles façons de vivre l’amour ou la sexualité, chose pas évidente dans ces sociétés où les rencontres se font souvent via des applis. Je rejoins aussi Monia sur le fait que l’attirance vers une personne d’une autre classe sociale que la sienne est un geste anarchiste. Je pense même que l’anarchie est un catalyseur de l’amour.

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